Grève des contrôleurs aériens jeudi : 25 % des vols seront annulés sur les trois aéroports de Paris-Roissy, Paris-Orly et Paris-Beauvais, de 30% à Lyon, Marseille, Montpellier, Ajaccio et Figari et la moitié à Nice, Bastia et Calvi.

La Direction générale de l’aviation civile a demandé mardi 1er juillet aux compagnies aériennes de renoncer à un quart de leurs vols au départ où à l’arrivée des aéroports de Roissy CDG et Orly, ainsi que de Beauvais-Tillé jeudi, au premier jour d’une grève de contrôleurs aériens qui durera jusqu’à vendredi 4 juillet.

Ce sont deux jours particulièrement chargés en cette veille de départs en vacances, avec plus de 230 000 passagers par jour à Roissy et plus de 120 000 à Orly attendus jeudi et vendredi.

A l’orée des vacances scolaires d’été, ce mouvement social déclenché par les deuxième et troisième syndicats d’aiguilleurs du ciel affectera particulièrement les aéroports du sud de la France, la DGAC annonçant une réduction de moitié des programmes de vol à Nice, le troisième aéroport français, ainsi qu’à Bastia et Calvi en Corse.

La DGAC qui cherche à mettre en adéquation le nombre de contrôleurs à leurs postes et les vols à gérer afin d’éviter des perturbations supplémentaires, a en outre réclamé des annulations pour 30% des vols au départ et à l’arrivée de Lyon, Marseille, Montpellier, Ajaccio et Figari, selon un communiqué, de 25 % sur les aéroports de Roissy, Orly et Paris-Beauvais. Air France qui opère environ mille vols par jour en cette période estivale de grands départs s’attend à un fort impact surtout à Orly et à Nice. Deux des places fortes de la compagnie et de sa filiale à bas coûts Transavia.

Après deux réunions de « conciliation » infructueuses avec la DGAC, le deuxième syndicat d’aiguilleurs du ciel, l’Unsa-ICNA, a maintenu son appel à la grève jeudi et vendredi. L’organisation syndicale, qui a rassemblé 17% des voix aux dernières élections professionnelles, a cité parmi ses griefs un « sous-effectif structurel » et un « management toxique ».

« La DGAC reconnaît les difficultés liées à la situation de sous-effectif chronique, qui affectent la qualité du service rendu aux compagnies aériennes. C’est précisément pour y remédier qu’elle défend un plan de recrutement ambitieux, inscrit dans une stratégie pluriannuelle, afin de garantir un service performant et sécurisé », avait fait valoir l’administration la semaine dernière.

L’Unsa-ICNA a été rejointe jeudi dernier dans ce mouvement par le troisième syndicat de contrôleurs, l’Usac-CGT (16 % des voix aux dernières élections), qui avait dénoncé lui aussi un « contexte social fortement dégradé » et qui a appelé à la grève le 3 juillet seulement. Le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), majoritaire, ne s’est pas joint au conflit. Pour rappel, la loi Diard oblige les salariés à se déclarer quarante-huit heures avant le démarrage d’un conflit.

Les services de navigation aérienne sont, en effet, engagés dans une vaste réforme pour faire face à la forte croissance du trafic aérien, éviter les retards et préserver la sécurité. Un plan d’envergure, prévu sur cinq ans, qui pourrait se traduire par la fermeture du quart des tours de contrôle entre 2028 et 2035, sachant que la France compte « trois à quatre fois plus de tours de contrôle que partout ailleurs en Europe », insiste-t-on à la DGAC.

La DGAC souhaite aussi réduire le nombre de centres de contrôle d’approche. Affectés à la gestion des vols en approche de quelque 70 aéroports, ces centres devraient passer de 30 à 16. Ce sont les plus petits sites, tels ceux de Deauville, de Metz ou de Dole-Jura qui accueillent chaque année moins de 150 000 passagers qui seront visés faute de trafic suffisant.

Outre les conséquences sur l’emploi de cette réforme, les syndicats font remarquer que si les autorités veulent mettre le contrôle aérien français au niveau européen, elles ne sont pas enclines à harmoniser les salaires, et ce même si la paix sociale signée peu avant les Jeux Olympiques de Paris prévoyait comme contrepartie de substantielles augmentations de 500 à 1 500 euros par mois selon les centres. Les aiguilleurs français sont payés en moyenne 5 000 euros nets par mois, soit deux à trois fois moins que dans les grands pays européens, affirme le SNCTA.

Autre point qui fâche : « Le contrôle de présence des contrôleurs », selon les termes de la DGAC. Le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) a, en effet, recommandé en 2023, la mise en place de pointeuses – en pratique il s’agit de badgeuses biométriques – pour contrôler la présence effective des aiguilleurs du ciel sur leur lieu de travail.

Car un précédent a terni la réputation des contrôleurs aériens. En décembre 2023, le très réputé BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile) a sorti un rapport qui épinglait l’organisation du travail des contrôleurs aériens après un « incident grave » à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. Ce jour-là, deux avions ont failli entrer en collision et pour le BEA, l’une des causes tient au manque de personnel dans la tour de contrôle de l’aéroport au moment des faits. Trois aiguilleurs du ciel s’y trouvaient, contre six prévus au tableau de service. « Un consensus social, ancré depuis de nombreuses années à la DSNA [Direction des services de la Navigation aérienne], laisse perdurer une situation dans laquelle les équipes de contrôleurs organisent, en dehors de tout cadre légal, un niveau d’effectif présent généralement inférieur à l’effectif théoriquement déterminé comme nécessaire », avait pointé l’enquête. Quatre mois plus tard, la DGAC et plusieurs syndicats signaient un protocole d’accord social avec plusieurs volets, dont la mise en place de pointeuses numériques et de badgeuses sur position. Les premières permettent de savoir à quelle heure arrivent les contrôleurs sur leur lieu de travail, et les deuxièmes, de savoir où exactement ils sont (devant leur poste ou en pause, pour simplifier) et donc de compter le nombre d’heures exactes de travail effectif. Mais ce contrôle de la présence effective, qui représente un énorme changement de culture, est mal perçu par les grévistes, l’UNSA-ICNA dénonçant dans ses tracts un « flicage des contrôleurs » et un « management toxique, vertical, autoritaire. » La DGAC a déjà prévenu qu’après l’incident survenu à Bordeaux, « elle ne lâchera pas sur les pointeuses biométriques et les badgeuses »

Grève des contrôleurs aériens : 25 % des vols annulés à Paris jeudi, de nombreuses perturbations en France, notamment en Corse 1 Air Journal

@DR/AJ